Au-delà des apparences - Retour du roman de Catherine Choupin "le point de vue d'Yvonne"
- Anne-Marie Bougret
- 9 juil. 2021
- 3 min de lecture

Le résumé :
Alain-Fournier rêvait « d’un amour impossible et lointain ». Il l’a trouvé à Paris le jour de l’Ascension 1905 en la personne d’Yvonne Toussaint de Quiévrecourt. Il l’a revue à la Pentecôte, il lui a parlé, puis pendant huit années, il a tissé autour d’elle la figure idéale d’Yvonne de Galais. En août 1913, ils se sont revus longuement à Rochefort alors qu’elle était mariée et mère de deux enfants. Puis, Alain-Fournier lui a envoyé Le Grand Meaulnes en lui demandant son avis.
Malgré les sollicitations dont elle fut l’objet, la véritable Yvonne n’a jamais voulu s’exprimer. Elle s’est éteinte cinquante ans après le poète sans avoir dit un mot.
Cette biographie lui donne la parole. Elle s’appuie sur de nombreux documents et sur mon intuition de femme.
Mon avis :
Le début d’un roman est important et d’emblée celui de Catherine Choupin m’a emballée. J’ai adoré cette vieille dame qui écrit en toute humilité ses mémoires pour se confier et qui nous entraîne dans l’histoire qu’elle a vécue.
Cette femme, Yvonne, nous conte sa relation de jeunesse, tellement particulière, avec un jeune étudiant sans le sou, Henri (le futur écrivain Alain-Fournier).
Jeune fille sentimentale d’un milieu aisé, Yvonne s’éprend du jeune écrivain et de cet amour, jamais consommé, en découlera l’œuvre célèbre d’Alain-Fournier : Le Grand Meaulnes.
L’écriture de Catherine Choupin est élégante, tout en nuance, comme l’héroïne de ce roman et ses sentiments pour le jeune Henri. C’est un peu l’histoire d’un rendez-vous manqué.
À partir de leur rencontre, nous assistons à une reconstitution précise des réactions d’Yvonne et plus le roman progresse et, bien qu’elle se marie et devienne mère, plus son amour pour Henri se renforce.
Au fur et à mesure du récit, on voit comment ce jeune artiste sait exploiter au profit de son œuvre ses sentiments pour la jeune fille. Grâce au point de vue d’Yvonne, nous assistons à la gestation du célèbre roman. Au fil de sa lecture « Le grand Meaulnes », Yvonne nous fait part de ses interprétations. Nous sommes dans ses pensées. Elle met en parallèle les sensations qui ont été les siennes et celles qu’elle tire du texte. L’analyse est passionnante.
Mais à sa grande stupéfaction, Yvonne découvre en lisant « Le grand Meaulnes » que le héros quitte sa jeune épouse, qu’il aimait tant, le lendemain de ses noces pour suivre son ami Frantz. Pendant l’absence de son époux, la jeune femme meurt en couche.
« J’avais été sidérée de ce départ de Meaulnes : au nom de quoi un homme pouvait-il abandonner la femme qu’il prétendait aimer avec une telle passion le lendemain de ses noces ? Je m’étais dit qu’il y avait chez Henri une sorte de perversité que je n’arrivais pas m’expliquer. »
Nous sommes en plein suspense, comme Yvonne, nous découvrons en même temps qu’elle le dénouement du roman qu’elle lit.
« Comment avait-il pu imaginer que ce drame horrible allait me plaire ? J’étais désolée de cette fin inattendue. Jusqu’au moment où Augustin avait demandé sa main à l’héroïne, j’étais ravie et m’apprêtais à écrire une longue lettre à Henri pour lui exprimer mon enthousiasme. Hélas, il n’y aurait pas de lettre ! Il m’était impossible de mentir… »
À partir de là, on comprend que la muse du jeune écrivain, qui est devenue sa lectrice, a bien fait d’épouser Amédée au lieu d’Henri qui magnifie les femmes, mais les laisse tomber selon son bon plaisir.
Quelques mois auparavant, j’ai écouté une émission littéraire sur Alain-Fournier qui le montrait misogyne et incapable d’aimer une femme, ce qui corrobore le récit de Catherine.
Yvonne de Quiévrecourt était une femme d’exception ; elle meurt cinquante ans après Alain-Fournier et, malgré les nombreuses sollicitations dont elle fut l’objet, elle ne parlera jamais de leur relation.
Pour notre plus grand plaisir, Catherine Choupin rompt ce silence avec audace et talent. Un roman que je vous recommande vivement.
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