Chronique de Mumu dans le Bocage à propos d’Intrigue chez Virginia Woolf »
- Anne-Marie Bougret
- 1 juil. 2019
- 4 min de lecture
Clara lit dans le journal que son amant est mêlé à une histoire de meurtre et de proxénétisme.
Un comble quand on est une fervente admiratrice de Virginia Woolf et de son féminisme avant-gardiste !
Pour tirer cette faire au clair, elle entraîne sa vieille amie Sally dans une histoire qui les dépasse, à travers la région où rôde le fantôme de la célèbre romancière.
Clara parviendra-t-elle à échapper à la mafia et à réhabiliter à la fois l’honneur de son amoureux et la mémoire de son égérie ?
Pourquoi j’ai choisi de lire ce livre
Si vous me suivez régulièrement vous savez que je suis une fan de littérature anglaise et en particulier des grands noms de la littérature féminine anglaise : Les sœurs Brönté, Jane Austen, Daphné du Maurier et……. Virginia Woolf dont j’ai découvert l’œuvre assez récemment avec Un chambre (lieu) à soi dont j’ai adoré le ton, la justesse, l’analyse de la condition féminine à travers le travail d’écrivaine et l’humour. Depuis je lis régulièrement ses livres : Mrs Dalloway, Vers le Phare, Orlando, Journal d’un Ecrivain,
j’ai regardé de nombreuses fois The Hours magnifique de Michael Cunningham, les documentaires sur sa vie, ses lieux de vie etc…. Et j’ai sur mes étagères encore certains ouvrages : Les Vagues, Nuit et Jour ainsi que Je te dois tout le bonheur de ma vie de Carole d’Yvoire qui retrace le couple qu’elle formait avec Leonard. Sur les conseils de Anne-Marie Bougret j’attends la réception de la biographie de Viviane Forrester sur laquelle elle s’est appuyée pour l’écriture de son premier roman.
Vous voyez dès qu’on parle Virginia Woolf je ne peux résister alors quand Anne-Marie Bougret m’a proposé la lecture de son roman j’ai accepté avec plaisir, en plus il est question de révélations alors……
Ma lecture
Pour un premier roman s’attaquer à cette grande figure féminine de la littérature anglaise est « culotté »….. mais je retrouve bien là l’esprit woolfien qui influe sur ceux et celles qui l’aiment.
L’autrice (bon j’ai bien retenu la leçon sur le féminin de certaines professions … moi qui avais l’habitude de dire et d’écrire auteure…..) met dans ce récit toute son admiration pour Virginia Woolf, pour son œuvre, pour la femme, pour les causes qu’elle défendait en particulier sur la place de la femme dans la littérature mais aussi dans la vie et elle s’attache également à lui redonner une juste place dans le couple qu’elle formait avec Leonard.
Alors, vous comprenez, quand certains la traitent de snob, tout ça parce qu’elle était issue de la haute bourgeoisie intellectuelle….. Il fallait bien qu’on lui trouve des défauts. Notre monde n’aime pas les femmes clairvoyantes, intelligentes et indépendantes qui ont du succès. (p166)
L’idée de venir chambouler les idées reçues, offrir une autre option ne m’a pas dérangée. J’ai moi-même beaucoup d’interrogations sur cette femme et les thèses offertes sur son enfance, son couple, et celles sur son suicide sont plausibles. Pourquoi pas.
Son père cultivé qui lui permettait l’accès total à sa bibliothèque, ce qui était rare à l’époque pour les femmes – mais qui contrairement à ses fils n’autorisa jamais ses filles à aller étudier à l’université. Beaucoup trop pingre, il n’avait jamais voulu dépenser un penny pour leur éducation. Ce fut une frustration immense pour Virginia qui désirait tant apprendre. (….) Virginia était une femme gaie qui aimait la vie. Elle ne montrait jamais qu’elle était malade ou alors, si c’était le cas, elle surmontait ses crises avec humour. Elle possédait l’art de décrire les situations les plus ordinaires. Elle s’en servait pour mettre en évidence l’inacceptable rejet des femmes. Elle savait si bien déminer la bombe des apparences, dénoncer l’absurdité des hommes à se vouloir supérieurs à l’autre moitié de la population. Elle savait si bien évoquer le talent féminin annulé…..(p191)
L’intrigue autour de Bill, l’amoureux de Clara ne m’a guère passionnée mais elle n’est que le prétexte pour entrer dans l’univers de l’écrivaine.
Ce qui m’a particulièrement plu, c’est de me retrouver dans le monde de Virginia Woolf, en particulier avec Sally, cette charmante vieille dame que l’on voudrait avoir pour voisine, dans les lieux qu’elle a fréquentés , habités comme Monk’s house et son jardin

et quand je dis habités il faut savoir que Virginia Woolf est une autrice de sensations, de ressentis, d’observations, de flux de conscience. J’ai déambulé dans sa maison, son atelier , j’ai parcouru les allées au milieu des rosiers, afin d’y découvrir des traces d’elle et cela Anne-Marie Bougret le rend parfaitement.
Ce que j’ai trouvé intéressant c’est d’intégrer au récit les combats qu’elle a menés afin de pouvoir être éditée (et comme de mieux que d’avoir sa propre maison d’édition, la Hogarth Press) et reconnue. J’ai moi-même ressenti, dans la lecture de son journal (édité par Leonard après sa mort et sous son contrôle), l’emprise qu’avait celui-i sur son travail, sur sa vie. Quel couple était-il vraiment ?
Anne-Marie Bougret introduit dans son récit une foule de détails que je connaissais sur sa vie et j’ai lu ce roman d’une traite, retrouvant avec bonheur cette ambiance so british. Elle s’est totalement glissée dans le personnage de Clara, elle s’est immergée avec bonheur dans cette enquête afin de rendre hommage et justice à son idole.
L’écriture est agréable, fluide, ce n’est pas une écriture woolfienne bien sûr, mais on ressent tout l’attachement de l’autrice pour son personnage. Utiliser la fiction pour mettre en évidence certains faits, certains doutes, pourquoi pas.
Si vous aimez les cottages anglais entourés de jardins resplendissants, les cups of tea, les fantômes qui peuvent y vivre, si vous aimez les intrigues, les histoires d’amour, d’amitié, les mystères mais aussi les révélations, si vous voulez en savoir un peu plus sur une femme qui est souvent décrite comme froide, inaccessible, mystérieuse je vous recommande cette lecture.
Pour la petite histoire, elle m’a conseillé de rester vigilante et critique quoi qu’il arrive, d’affûter mon esprit en lisant beaucoup, ce que j’ai fait, et de choisir de préférence de grands écrivains, si possible androgynes, comme Shakespeare, Sterne, Keats, Coleridge, Proust et bien d’autres qui faisaient un usage égal des deux aspects masculin et féminin en eux. (p206)
Livre Auto-édité – Janvier 2019 – 372 pages
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